MICHEL HOUELLEBECQ
Serotonine, dernier roman de Houellebecq est etrangement frustrant. Certes, comme d'habitude le recit est maitrise, la nevrose en amont est creative, la misogynie plus incontournable que jamais. Mais l'incommensurable tristesse des situations ne laisse aucune place a un "petit matin" reparateur. Dans ses romans precedents l'auteur n'excluait pas la possibilite malgre tout de considerer la fin, sous qu'elle que forme que ce soit, comme un aboutissement . Il restait une logique dans l'egarement. Ici, la reference a un " passe meilleur" degenere en constat irreversible de son "non retour".
La tristesse personnelle a son contrepoids dans la faillite d'un modele de gestion economique (agricole en l'occurence) qui, au bout du rouleau, finit par troquer le deversement de cisternes de lait contre les tirs de balles. Le Camenbert, feu Wagram, devient Waterloo. Quand les baleines perdent la boussole elles optent pour un suicide collectif, qui etonne autant qu'il effraye.
Dans ses livres anterieurs Houellebecq prenait une sorte de plaisir pervers a decrire le sexe comme un fast food pour voyeur dans une toile de Lucian Freud. Cela frisait l'insupportable mais c'etait en meme temps sournoisement drole. Ne finit-on pas par rire nerveusement dans les enterrements ? Dans Serotonine rien ne prete a rire. Cette histoire aurait pu se derouler dans un décor genre "Paris triste" de Marcel Carne ou dans un film ringard, dont les inevitables freres Dardenne ont le lugubre secret. Evidemment, on peut extrapoler. Bruxelles (Union Europeenne) est visee. C'est une culture "terroir"en fin de parcours qui recoit ici une derniere accolade. C'est la sexualite de proximite qui est marginalisee par l'algorythme.
A vrai dire, on sait tout cela. On pressent d'ailleurs que l'ecrivain commence a etre en mal de sujet, voir meme de langage, tant est totale l'eclipse dont il semble ne plus avoir le controle. Dans son livre precedent, "Soumission", il restait une energie paradoxale. Toute forme de collaboration reclame en effet un engagement ( sincere ou opportuniste). Ici l'enchainement n'arrive qu'a un blocage total, au demeurant pressenti et accueilli avec une sorte de fatalisme stoique. Il n'est donc pas etonnant que ce roman s'acheve sur les paneaux refermes du dyptique Marcel Proust / Thomas Mann. Ces deux geants de la reflexion occidentale s'etaient rendus a l'evidence qu'entre la memoire et le vecu, la premiere est , comme chez Pacal, le choix le plus sur.
D'aucuns voudront voir dans ce requiem litteraire un constat du malaise francais. Aujourd'hui il est devenu impossible de donner au Zeitgeist regnant un repondant territorial. Les gilets jaunes, c'est chez nous. Le blues Europeen est reel, attise par le grand demolisseur aux Etats Unis, qui est occupe a creer Outre Atlantique une depression collective sans precedent. Comme beaucoup d'intellectuels, Houellebecq fait un diagnostic, qui sous couvert de narratif ressemble a un arret de mort.
Est-ce que tout est dit pour autant ? That is the question...De toute facon, entre litterature, elections europeennes et le reste, seul Game of Thrones emporte la palme. Constat disabuse ?
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