L'AMERIQUE DEPRESSIVE.
En 1992 Francis Fukuyama etait considere comme l'analyste politique clairvoyant, voir meme prophetique, decrivant l'incontournable avenement d'un modele occidental victorieux, au milieu des ruines carbonisees d'alternatives epuisees, marxiste ou tiers- mondiste. Les Etats Unis devinrent la reference incontestee pour un monde embrassant la pensee unique. Cette situation acccelera l'arrogance des uns et le desarroi des autres. L'Amerique allait regner, incontestee, l'espace d'une decennie.
Comme il peut arriver, l'empire US, comme la grenouille de La Fontaine, a manque de mesure et s'est surestime. L'arrogance a suivi le parcours connu des graphiques economiques, du decollage a l'atterissage en catastrophe. G.W. Bush a ete le pilote malchenceux de cette acceleration negative. Obama a reussi a redemarrer l'engin mais la precarite heritee a pese lourd sur la rentabilite immediate. Aujourd'hui, les lubies de l'apprenti sorcier Trump creent un chaos dans lequel tous les extremes ont desormais carte blanche.
L'Amerique a ete longtemps consideree, a juste titre, comme une societe positive, reconnue comme terre d'accueil et d'innovation. L'avenement de Trump a immediatement altere cette "donnee". Le pays est fondamentalement (structurellement ?) divise, bien qu'en realite ces deux camps opposes partagent une morosite, voir meme, un pessimisme en aval, similaires. Les Americains se sentent aujourd'hui mal aimes . N'ayant pas l'habitude d'etre ostracises, ils boudent, aussi a domicile. Le president qui accumule en sa personne toutes les pathologies demolit les normes, les vocabulaires et les imperatifs admis. S'il n'y a pas de mal a remettre en cause les certitudes anterieures, cette revision doit encore etre legitime. Or ce qui se passe ressemble plus a un reglement de compte qu'a une alternative reflechie. Si la diplomatie peut ressembler a un exercise Hegelien, elle ne peut degenerer en une roulette russe. Or l'Amerique choisit maintenant de vider precipitamment les lieux du multitalisme sans payer le loyer. L'immeuble de l'ordre mondial est abandonne aux squatters...
"Squatters" est au demeurant un mot qui ne convient pas. Les nouveaux pretendants de l'ordre sont redoutables. La vertigineuse percee de la Chine et le retour de la Russie consituent des ajustements majeurs . Il s'agit d' avancees existentielles et non de pages feilletonesques du "Le lys dans la vallee" (pardon Balzac) . Trump n'est qu' un Silene ivre d'adulation, joue par d'autres, plus sophistiques. Il a cree autour se sa personne une figuration opportuniste ou mediatique (Fox / Breitbart) qui sert continuellement la dose de realite alternative dont il a besoin . Cet homme autoritaire mais incertain s'entoure de flateurs. Il faut esperer que la psychose de "mal a l'aise" ne devienne terminale. Tout est mis en place - dans les secteurs de lajustice, de l'environnement,de l' intelligence,du climat, de l' economie, de la presse, entre autres- pour accelerer un demembrement systhematique du tissus democratique et du premier amendement.
Le label de "defenseur du monde libre" accorde a l'Amerique a toujours eu un cote exagere. Certes, militairement les Europeens etaient les sous-traitants des Etats-Unis. D'autres l'etaient moins ou ont prefere degager. Autant il y avait un courant qui passait entre Europeens et Americains ( malgre le court - circuit iraquien) , ce mariage que se disputaient le coeur et la raison restait solide. Maintenant il est en crise. Le monde se regroupe autour de plusieurs poles, en premier lieu la Chine e la Russie (l'Eurasie) . L'une et l'autre avancent. Elles le font avec d'autant plus de determination que le reve americain est devenu cauchemar. L'alternative europenne peut devenir un contre poids a condition que l'UE evite les pieges-maison et qu'elle reusisse a dompter ses demons interieurs. La France semble en tout cas savoir ou aller. Encore faudrait-il que d'autres la suivent. L'Europe a sans doute un grand pouvoir seductif ,"soft power". Plusieurs zones de conflit sont desormais plus disposees a ecouter la voix de la raison sans quid pro quo, plutot que de se soumettre a un gymkhana impose avec des conditions leonines . Le president Macron a suggere un nombre de reformes qui devraient rendre a l'UE son ambition. Encore faut-il que l'Allemagne co-pilote ce projet.
Il ne s'agit surtout pas de devenir anti-Americain. Il ne faut pas confondre l'avatar, l'accident de parcours avec un divorce. Le couple Atlantique a besoin de respirer, c'est tout. Il vaut mieux choisir la distance occasionnelle que de risquer le naufrage d'une ambition trans-Atlantique. Si la moitie Americaine est malade, l'autre moitie doit intervenir, jusqu'a ce que la raison reprenne le dessus. Cela risque de prendre du temps, helas.
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